• QUELLE EST L’INTENTION SECRÈTE DU JUGEMENT DE VALEUR?

       Dans un premier sens, le jugement désigne la faculté de l’esprit qui permet de bien évaluer les choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate certaine ni d’une démonstration rigoureuse.  Par extension, il devient le fait de décider en tant que tribunal ou arbitre, attestant de ce qu’un être particulier tient pour bon ou tient pour mauvais.  Il permet de conclure, suite à une observation, qu’il peut exister quelque chose d’autre, mais il ramène sans cesse dans la concurrence en plus de maintenir dans la dualité.

       Comme on l’a dit, le jugement désigne la faculté de comprendre et d’apprécier sainement, donc avec discernement.  Il s’agit d’un mouvement mental qui s’oppose à la voie du cœur qui mène à la sagesse.  Car cette faculté devient rapidement subjective, partiale et… arbitraire.  Elle exprime une sentence à partir d’un système de valeurs ou de principes moraux.  Le jugement devrait servir à établir un constat de réalité, à analyser des situations, à classer des réalités d’expérience,  à développer le discernement, à faire le point sur soi-même, à faire un bilan pour comprendre lucidement les possibilités offertes par un vécu ou à bien s’organiser dans la vie.   Sauf que, chez la plupart, cette faculté amène rapidement un être à s’ériger en tribunal suprême, à partir de sa perception de la vérité, donc de sa vérité.  Chacun juge selon ses critères et ses valeurs, à partir de ce qu’il tient pour bon et ce qu’il tient pour mauvais.  Quelqu’un a dit avec humour, cynisme ou réalisme que le jugement est un ((juge qui ment)).  On pourrait comprendre un fait sans en juger si on savait vraiment le passer par le crible de l’intuition de manière à comprendre pourquoi il s’est produit et à quelle fin.  Le besoin de juger illustre un besoin de prouver sa supériorité dissimuprisonnierlant une crainte d’infériorité.  En cette matière, on juge d’autant pour les autres qu’on se juge soi-même en les jugeant.

       Il devient facile de cesser de juger quand on comprend que la vie de l’autre n’est pas son affaire et que le jugement d’autrui n’est pas de son ressort, mais de celui de la conscience de chacun.  Même que le jugement, qui est un acte mental imparfait, doit cesser partout, même à l’égard de soi, puisqu’il ne mène à rien d’autre qu’à se culpabiliser inutilement.

       Il faut le répéter, qui juge se juge, car il ne pourrait prendre conscience d’un fait s’il ne portait pas en lui sa correspondance.  En se jugeant et en jugeant les autres, on entretient une vibration négative qui écarte de la compréhension et de la compassion.  Car le jugement évoque toujours une manifestation de l’ego qui établit ses préférences à partir de ses propres critères.  Plutôt que de juger, il vaut mieux imaginer que chaque personne est en voie d’atteindre son potentiel le plus élevé, sa Perfection, car c’est la plus belle vision qu’on puisse se former d’autrui.  Si ce qu’une autre personne fait présentement ne se conforme pas à l’harmonie avec son plus grand bien, cela reste son problème, non le sien.  Quelqu’un a dit : ((Lorsque vous condamnez quelqu’un pour une chose ou une autre, c’est en réalité des aspects de vous-même que vous jugez à travers un autre. C’est là la raison pour laquelle ceux-ci sont si faciles à identifier. C’est la raison pour laquelle votre attention est attirée par ces aspects. L’entité devant vous est seulement le miroir des jugements que vous portez à votre encontre ; et cela peut vous aider à réconcilier les jugements que vous avez sur vous-même avec ceux que vous avez acceptés d’autres entités.))

       Le jugement résulte de la propension à tout évaluer et comparer, à projeter ses pensées sur autrui, à se raconter toutes sortes d’histoires sur soi-même et sur les autres.  C’est bien connu, quand on ne sait pas, on invente, pour satisfaire la curiosité de son mental.  Ainsi, le jugement empêche de voir clairement les choses comme elles sont.  Il amène à interpréter la réalité. Colorant le ressenti.  Il empêche de décrire les choses exactement comme elles sont, ses perceptions étant incapables de voir au-delà des illusions.  Envoyer de l’amour dans les circonstances déplaisantes aide beaucoup plus que de projeter ses jugements négatifs.  Mais il est moins facile de le faire que de juger.  En dépassant ses jugements, on apprend à voir les autres avec les yeux de la compassion, ce qui amène à se sentir lié à leur destin, partie du destin commun.  Si on sait regarder les autres sans les juger sur ce qu’ils sont, on les ressentirait plus profondément.  On ne peut aider les autres si on se sépare d’elles par ses préjugés.  On ne peut les aider que si on se centre sur ce qu’il y a de beau et de bon en eux, leur envoyant de la lumière par les yeux et de l’amour par le cœur.

       Nous partageons ce point de vue de Denis Adem, qui signe souvent ((Deniz)), qui a un jour écrit : ((Si je vois un défaut chez une personne, et que cela attire mon attention, je polarise, je juge (mental) et cela m’irrite (émotionnel) : cela veut-il dire que j’ai ce défaut en moi qui résonne ?  Ceci est un raisonnement trop linéaire et trop limité, donc trop simpliste (ouf !).  En fait, comme tout l’univers est en moi, j’ai toutes les qualités et tous les défauts… mais j’en ai les traits à des degrés divers, et seuls quelques-uns dans cette vie-ci sont évidents.  Prenons un exemple : je constate une injustice, et cela m’énerve au plus haut point, j’ai envie de réagir.  Cela ne veut pas forcément dire que moi-même, dans cette vie-ci (dont j’ai seulement conscience) je suis injuste, cela peut plutôt me montrer que j’ai une facette de moi, dans une vie dont je n’ai pas conscience, qui a choisi de faire l’expérience de l’injustice.  Cette facette a besoin d’être intégrée en moi, et fait appel à ma conscience en projetant une scène de la vie où je vais pouvoir observer une injustice.  Et comme chaque fois, je vais être amené à faire un choix : soit réagir à ce que mon système de croyance juge comme mauvais, et donc le rejeter (auquel cas, il n’aura de cesse de revenir), soit l’accepter, le transmuter et l’intégrer.  Et si on prend le cas d’un défaut qu’on a effectivement, mais dont on n’a pas conscience, qu’on refuse de reconnaître, dont on a honte : la vie va bien s’arranger pour que nous parvenions à y faire face pour que nous puissions faire le choix de le reconnaître.  Dans le premier cas (facette), on peut se dire qu’on a connu TOUS les rôles, le bon, le méchant, le beau, le laid, …si bien que forcément, tout défaut qui nous fait réagir est à pardonner et à intégrer sans se poser de question.  La personne que l’on voit qui a un tel défaut n’est tout simplement que le reflet de la facette qu’on ignore qui se porte à notre conscience.  Dans le second cas, il faut bien se dire que si on a un défaut, c’est que c’est voulu !  En effet, ce défaut a été programmé avant notre naissance, par notre âme, afin de vivre certains types d’expériences, et de pouvoir ainsi le transmuter.  Il n’y a donc aucune culpabilité à avoir, par contre, il s’agit d’en prendre conscience, d’en assumer la responsabilité, afin de pouvoir l’intégrer.))

       Tout bien compté, plus on est attaché à une personne, plus on s’illusionne sur son compte et plus on la juge faussement.  On ne parvient plus à cerner sa réalité ou on ne veut plus la regarder de façon objective, de sorte qu’on croit impossible qu’elle puisse changer.  On ne vit que pour le jour où elle deviendra enfin ce qu’on sait qu’elle peut être.  Mais attention, garder une vision élevée de quelqu’un consiste à la voir clairement dans sa réalité actuelle et de l’aimer pour ce qu’elle est maintenant.  Il s’agit de se centrer sur ses qualités plutôt que sur ses faiblesses.  Quand on n’accorde ses soins qu’aux plantes qu’on n’aime pas, on laisse s’étioler les plantes qu’on aime, et celles qu’on n’aime pas prospèrent, prenant le dessus sur les autres.  En revanche, on ne peut pas juger une personne qu’on ne connaît pas.  Connaître une personne, c’est l’atteindre par l’intérieur, au niveau de son âme, non pouvoir la décrire dans ses apparences.  Or les apparences masquent ce qu’il y a à l’intérieur.

       Ici, il faut bien comprendre que ne pas juger ne signifie pas ne pas avoir d’opinion.  Chacun peut constater sans juger, pour autant on n’en fait pas l’excuse du jugement indu.  L’opinion peut réprouver, condamner, générer l’action, mais elle le fait avec amour et objectivité, donc sans mépris, sans aversion, sans jalousie, sans colère.  Elle est une expression paisible de l’être, un ferment de liberté.  Tout accepter sans se prononcer révèle souvent une passivité qui encourage l’injustice, le faux détachement du paresseux du cœur.  La distinction est subtile, la frontière fort mince, et seule la volonté d’aimer permet de faire la différence.  Le réflexe du jugement bloque la circulation de l’énergie et il épuise.  Il exprime la révolte souffrante de l’ego dont la vision réductrice se veut mesure de tout.  Qui juge entretient l’esprit de séparativité.  En exprimant son opinion sur les autres, à tort et à travers, on lance le message subtil que, dans ce monde, il y a des manières d’être conformes et acceptables, tandis que d’autres ne le sont pas.  On exprime qu’il faut se conformer à des normes pour être accepté.  Du coup, on exprime qu’on ne peut soi-même être accepté des autres que dans certaines conditions.  Voilà qui mène tout droit à la confrontation et à un dialogue intérieur de critique et d’autocritique.  Alors, on forme des images négatives de soi ou des autres, créant en soi une ouverture qui permet qu’elles reviennent directement sur soi.

       Tout jugement est porté à partir d’une échelle de valeur, relative en elle-même, qui élève ou rabaisse les autres et soi-même.  Il tente de faire croire qu’on détient une supériorité quelconque sur autrui.  Pourtant, par lui, on ne parvient qu’à empêcher certaines personnes plus faibles ou vulnérables de vivre en accord avec elles-mêmes.  Dans le deux poids et deux mesures de l’égoïsme.  Dans une même situation, il démontre cette part d’injustice d’appeler une sanction sévère et précipitée sur autrui, mais une sanction clémente et longuement différée pour soi.  C’est ainsi que, par manque d’amour, on écarte ou rejette trop de personnes utiles à son évolution.

       Dieu ne juge jamais, se contentant, dans sa patience infinie, de donner les moyens d’apprendre à partir de ses erreurs pour pouvoir grandir et évoluer.  Si Dieu ne juge pas, qui peut juger?  Alors, sachons agir comme Dieu et cesser de juger!

    © 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime


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